Note de Estelle Dumortier sur Un bruit de Terre (sur sa page Facebook)

J’avais immensément aimé « Calanques » aux éditions Centrifuges. Voici que Myriam Eck revient avec un nouvel opus, « Un bruit de terre » dans la très belle collection Po&Psy des Éditions Érès dont j’avais beaucoup aimé également le recueil « Avant les mots » de Claudine Bohi. Si Myriam Eck avait déjà réussi à tracer avec peu de mots dans « Calanques », autant dire qu’il y en a encore moins dans « Un bruit de terre », comme si le bruit était celui que le lecteur devait laisser agir en lui, puis délaisser peut-être pour faire sa route dans le texte et dans la page où chaque signe compte. Ainsi lit-on sur deux pages :

Rien ne pousse sous terre
D’autre que la terre
/
Terre plate
Gratée
De vouloir encore
Défigurée

Le format des publications Facebook ne permet pas ici de respecter les espaces entre les lignes comme autant de respirations à laisser passer avant de poursuivre au vers suivant ; il faut donc les imaginer. Et lire et respirer lentement.
Et puis il y a ce sigle – / – qui n’est pas une marque graphique pour signifier qu’il faut passer à la page suivante. C’est dans le texte et il n’apparait pas à chaque page. / : peut-être parce qu’avant d’être du sens, les mots, les sigles, les blancs dans la page sont des signes qui grattent, qui figurent et défigurent.
Ainsi suit-on ces vers, lentement, et de se dire que, peut-être, un bruit de terre est une des voix du texte. Je reprends, recule et avance :

Il n’y a aucun sol plus bas

(page suivante)

Rien ne pousse sous terre
D’autre que la terre
/

(on tourne la page)

Terre plate
Grattée
De vouloir encore
Défigurée

(page suivante)

Si peu de traces

Vous sentez ? De ces vertiges que Myriam Eck nous offre souvent. Et s’il est bien difficile de dire ce qu’est la poésie, peut-être que maintenant, je pourrais dire cela : pas forcément le vers mais le vertige. Entre autres.