Un lieu de saisissement du corps, livres d’artistes avec les peintures de Stéphane Fromm aux Editions Les cahiers du museur d’Alain Freixe, collection A côté, 21 exemplaires, novembre 2020.





Un lieu de saisissement du corps, livres d’artistes avec les peintures de Stéphane Fromm aux Editions Les cahiers du museur d’Alain Freixe, collection A côté, 21 exemplaires, novembre 2020.
Sur le chemin les mains
Pensent
Les mains pensent la mer
Avant de la toucher
Calanques : au-delà des premières images – soleil, mer, roche – suivre Myriam Eck et se laisser entraîner par ses mots brefs qui sont des passerelles directes vers le profond de nos sensations.
Chacun de mes pas a reculé
Le temps
L’invisible
Pied
Le sol, la lumière, le vent ; le pied, le regard, la main : tout y est, en vers denses, même La chute inscrite dans les pas, ce moment / Où le sol deviendra vent.
Tout y est, et pour chacun des lecteurs – aussi différents soient-ils – car l’art poétique de Myriam Eck autorise toutes nos interprétations. Si chaque mot a son propre poids, sa proximité avec d’autres, dans ces vers serrés comme l’essence des choses, lui donne un nouvel éclat qui crée un rapport neuf, et pourtant évident, au réel :
L’eau déplace les chemins
Les pas défont les chemins
Le pied suit
Ce que la tête a serré jusqu’à prendre sa forme
Bernard Noël l’explique mieux que quiconque : « Alors, qu’est-ce qu’on voit quand on voit ? Je pense qu’on voit surtout des mots et que ces mots on les prend pour des choses. Cela a un côté désespérant mais aussi un côté exaltant parce qu’on se dit : tiens, le dehors n’est pas si différent du dedans… Donc, tout à coup, une espèce de mise au monde se fait, qui élargit celle de l’intimité[…] » Du jour au lendemain, Bernard Noël – Entretiens avec Alain Veinstein, L’Amourier éditions.
De même que Pétrarque écrit son « Ascension du mont Ventoux » comme une quête spirituelle, nous pouvons déchiffrer, dans ces « Calanques », une marche dans la vie avec ses hésitations :
Sans chemin
Le regard attend
Sur la terre ouverte
Ou son courage:
Se relever à l’intérieur de sa trace
Mettre la terre debout
Le geste dedans
Une marche… notre marche, notre vie, débarrassée du superflu, épurée jusqu’au vif.
Myriam Eck, Calanques, éd. Centrifuges
Lisible en ligne sur le site Podio.
Un grand merci à la poète Béatrice Machet pour m’avoir questionnée avec une curiosité vivifiante, entretien en deux parties dans l’émission du 13 décembre 2019 Les mots d’azur sur Radio Agora (lien pour écouter ou télécharger).
Il est des objets qui n’existent que pour le vide qu’ils délimitent : un vase, un cénotaphe. Dans la poésie contemporaine, le vide – qu’on nomme « blancs » – mesure la cadence. Il rythme la lecture en l’absence, le plus souvent, de toute ponctuation. Mais le vide est aussi cet espace mystérieux, intérieur, mental, qui captive comme un trou noir dans lequel on craindrait de tomber.
Vois comment la pensée fait du vide la peur
Dans le trouble où vivre est se vider
Comment le vide se remplit de ton trouble
Comment la peur l’agrandit
Comment le trouble se déplace
Et déplace la pensée
Sonder le vide : le titre de Myriam Eck annonce très précisément l’objet de cette cinquantaine de pages où Les formes s’effondrent/Dans ce vide/Qui les vide. Des poèmes brefs – parfois une seule phrase : La terre ne se limite pas à ton vide –, retenant leur souffle dans les blancs, ni aphorismes ni haïkus, mais qui montrent une proximité avec ces phrases paradoxales composant le Tao tö king « Le Tao est comme un vase que l’usage ne remplit jamais. » Il faut lire ce recueil avec lenteur, se laisser détourner du cours habituel de la lecture pour flotter dans un état quasi méditatif, à la rencontre d’une poète économe de mots mais généreuse quant au voyage mental qu’elle ouvre : Tu peux retirer ton vide de ma terre//Te retirer/Sans défaillir/De la matière de mon vide, par courtes échappées, renversements de perspectives, attention aux mots simples qui traduisent un rapport immédiat au réel, corps ou espace.
Pour certains lecteurs, cette poésie paraîtra minimaliste et autocentrée, voire austère, et particulièrement éloignée de nos tragédies, mais dans un monde qui va si mal, ne faut-il pas commencer par créer en soi un lieu solide où reprendre force ? Plusieurs chemins sont possibles, Myriam Eck propose le sien : Dans le silence qui te ramène à toi/Les formes de douleur se retirent
Myriam Eck, Mains suivi de Sonder le vide, éd. p.i.sage intérieur
N47 hors-série Antoine Emaz
La revue N47 , en sommeil depuis deux ans, s’est remise au travail pour rendre hommage au poète angevin , ami et fidèle collaborateur , disparu en mars dernier.
Ci-dessous vous trouverez un bulletin de souscription pour commander ce numéro spécial:
09/10/2019
Amies et amis
d’Antoine Emaz ,
Lectrices et lecteurs de N47
Bonjour,
Antoine Emaz, avec quelques amis et amies poètes ou lecteurs de poésie d’Angers ou des Pays de la Loire, dès l’origine et le développement de la revue N47, a travaillé pour la visibilité de la poésie contemporaine, comme il le faisait aussi ailleurs (Triage, Poezibao, etc.). Le Comité de Lecture et de Rédaction de N47 veut saluer et honorer la mémoire de leur ami et fidèle compagnon : Antoine Emaz.
Différent d’un « hommage » que d’autres lieux ont très bien fait ou feront encore sur Internet ou édition papier, N47 a invité de nombreux poètes et artistes, chacun avec sa voix particulière, à proposer à la revue un travail de création. Ainsi, en une polyphonie poétique et plastique, se dessinent des liens qu’Antoine Emaz entretenait, comme homme et/ou poète, avec plus de 30 poètes et artistes d’aujourd’hui tels (liste non exhaustive) M.ALLOY, J-P.COURTOIS, L.DEGROOTE, J-P.DUBOST, L.DUBOST, M.ECK, J-L.GIOVANNONI, J.JOSSE, R.LAHU, M.LEBLANC, A.PELLETIER, M.QUATREBARBES (de), V.ROUZEAU, J.SACRE, G.TITUS-CARMEL, M.VISCHER…. S’ajouteront, choisis par les membres de la revue, des extraits de l’œuvre publiée, poèmes et notes, voire textes inédits.
Ce hors série, numéro exceptionnel de N47 Revue de poésie, sera publié le 11 décembre 2019, jour anniversaire d’Antoine Emaz. A cette occasion, en partenariat avec la ville d’Angers et la Médiathèque Toussaint, un spectacle avec scénographie et mise en voix par S. Sauphanor du Conservatoire d’Angers de Limite et Cambouis est programmé. L’entrée est libre.
Afin de mener à bien cette publication N47 lance une souscription dont vous trouverez ci-dessous le bulletin. Nous espérons que vous serez bientôt lecteur, lectrice de cette expression polyphonique et chaleureuse autour d’Antoine Emaz. N’hésitez pas à faire part autour de vous de cette parution prochaine et de la manifestation prévue à Angers.
A bientôt,
Pour le Comité de Lecture,
Christian Vogels
BULLETIN DE SOUSCRIPTION
NOM, Prénom………………………………………………………………………………….
Adresse de réception …………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………….
Souhaite recevoir ………….exemplaire(s) du numéro hors série au prix de 20 € l’exemplaire port compris
Soit 20 € X ……… = ………………….. €
ci-joint un chèque de ……………… euros à l’ordre de Association N4728 Poésie
à adresser à Madame DANDEVILLE 29 rue du Quinconce 49100 ANGERS
Courriels : dandeville.annick@free.fr Adresse postale Revue N47, 29 rue du Quinconce 49100 ANGERS
Pour commander Calanques :
Calanques
Pour commander Mains suivi de Sonder le vide:
Ecrire à : contact@p-i-sageinterieur.fr
https://p-i-sageinterieur.fr/collections/collection-3-14-g-de-po%C3%A9sie
Description :
Numéro 31, juin 2019, 190 p.
Revue d’art et de littérature
avec Santiago Montobbio, Jean-Luc Breton, Caroline Andriot-Saillant, Igor Chirat, Hicham Dahibi, Elsa Hieramente, Jean-Louis Hernie, Mathias Lair, Jacques Norigeon, Damien Paisant, Orianne Papin, Julie rey, Fabrice Treppoz, Jacques Vincent, Edith Azam, Joël Bastard, Gabriel Bergounioux, Gérard Cartier, Myriam Eck, Antoine Emaz, Christophe Lamiot Enos, Yann Miralles, Alexis Pelletier, Serge Ritman, James Sacré, Mâkhi Xenakis, Djamel Meskache, Mathieu Brosseau, jean-Pascal Dubost, lao Pi, Ikram Ben Brahim, David Mambouch, Martine Monteau, Serge Martin.
Antoine, je viens de lire votre livre, Limite, un grand merci pour ce livre témoignage, de la langue comme refuge encore possible, quand le corps est réduit au pire, quand la tête est réduite au moindre, les mots ouvrent un espace d’accueil, pour peu qu’on les désire encore, dans ce lieu presque sans corps les mots incorporent d’autant plus ce qu’ils désignent, invoquer à plusieurs reprises le mot bleu suffit à rendre présent partout le bleu, manquer d’air fait exister l’air démesurément, les mots et ce qu’ils charrient, ciel n’est pas que ciel il est aussi tout ce qui est relié au mot ciel, le mot mer vient chargé de mer, recueillir ces mots c’est donner une place à leur pouvoir d’existence, se recharger de ce pouvoir qui est vie, rendre ce pouvoir accessible au lecteur, le rythme d’écriture que vous indiquez donne au mot cette place qu’il lui faut pour faire exister ce qu’il porte, avant que le lecteur passe aux mots suivants, les mots déliés sortent de leur fonction (adjectif, complément,… dans une phrase) pour exister d’abord pour eux-mêmes, puis en lien, séparés mais en proximité, l’art de la proximité, trouver dans quelle proximité placer les mots vague et page pour que l’un charge l’autre et vice-versa sans qu’aucun n’y perde, et que le souffle aussi réduit soit-il suffise à faire lien entre eux, associations d’idées qui ouvrent de nouveaux espaces, dans un moment où la vie se resserre au bord de disparaître, vous donnez à voir ce qui tient alors et par quoi tenir, ce qui se révèle debout au bout du bout du bout…
Myriam
Lu le 10 mars 2019 au théâtre Toursky en hommage à Antoine Emaz sur la scène ouverte du printemps des poètes :
« Au pied du mur. Une falaise de craie, une paroi droite.
La route est stoppée là, au pied.
__
Des jours.
La paroi reste. On devient plus léger.
__
A force, le mur ne surprend plus.
On se dit qu’il fallait bien s’attendre à quelque chose comme ça. »