Calanques
Poème Calanques
Le sol ne s’est jamais qu’ouvert
(texte intégral)
Calanques I
Je marche dans ma faim
Tendue
De tous côtés
Les moments d’y renoncer comme
Repris
Marquer la distance
Jamais vidée
Le proche lointain perdu
Reste une tête peuplée
Comme de pierres
Calanques II
Ecarter la salive
Disperser les parois
L’étreinte dont on se relève
Le corps en soif
Toute la place encore
Frémissante
Qu’est ce qui reste ?
Me le dire
Sans voix
Ce qui reste après la faim
Calanques III
La perte a un bruit
De sol
Deux mains reculées
Sans vis-à-vis
On ne choisit pas l’endroit où l’on s’arrête
À la limite du saut
Le regard sans pied
Tandis que l’ombre revient
Ouverte
Libre d’emporter un cri
Au hasard
Calanques IV
Je ne devrais pas regarder au sol
Fuir mes pas
Peut-on croiser le vent
La vue légère ?
Toute tentative
Me plaque à terre
Les traits
Sans ombre
Remuent doucement la chair
Ce qui reste sans se souvenir
Calanques V
J’ai des yeux sans repos
Le pied pâle
Si peu de main
Accrochée
Sous le soleil
À l’endroit où l’on s’arrête
La chute inscrite dans les pas
La chair tombe
Sans choisir
De crier
Juste pas vue
Les pieds n’ont pas besoin de tant de place
Calanques VI
Le présent rentre sans retour
Marcher
Pour que ça appuie
Dedans
Ne pas penser
Au moment
Où le sol deviendra vent
L’étreinte libre du vent
Ici même au large
Calanques VII
L’habit au soleil
L’étreinte dans la tête
Champ libre avant l’oubli
Sous le soleil le sol est loin
Calanques VIII
Les oiseaux ne volent pas pour la vue
Libre c’est trop
Loin
CALANQUES
Paris
Hiver 2012-2013
Calanques IX
Au soleil
Suspendue
Le temps
De me retourner
Le paysage est sous mes pieds
/
Quelles traces laisse le soleil
Dans le corps ?
Jusqu’où traverse-t-il
Le sol ?
/
Dans quelle partie de mon corps
Le soleil
Prend-t-il sa couleur ?
/
La lumière n’attend pas le sol
Pour tomber
Quand elle n’atteint pas le sol c’est que le vent l’a séparée
Calanques X
Le bruit du vent dedans
/
Accrocher ma chair
Au vol
D’une mouette
/
La chair
Flotte
Sans se détacher
/
Ce que le vent vient bouger en moi ce n’est pas le paysage mais
Ma place
Dedans
Calanques XI
A regarder
Le vent
L’issue trouble du temps
Le sol
Dans le corps
Se penche
/
Mon ombre se déforme
A retenir
Ce qui s’écoule
/
Avancer dans le bruit
Des pas
Ce que le corps place à sa surface
Pour marcher
/
Seules tes mains retiennent
Dans mon corps
L’ombre
Calanques XII
Je tombe entre chacun de mes pas
Sous quel pas
Mon poids ?
/
Accrocher mes yeux
Au paysage
Un autre pied
Pour mon visage
/
Dans ma tête la couleur
Rentre lentement
La forme du ciel
/
Retenir dans mes yeux
Le choc de l’eau
Tandis que mon pied touche le ciel
/
Ce pied
En moi
Relevé
A retourner les ombres
/
Le soleil ou la tête a bougé
L’ombre
Le paysage dedans
Calanques XIII
Sur le chemin les mains
Pensent
Les mains pensent la mer
Avant de la toucher
/
Que devient l’ombre dans l’eau ?
Tandis que l’eau maintient debout ?
/
Je retire mes mains du paysage
La mer en morceaux
Calanques XIV
Premiers bruits de mer
La mer entre
Dans mes pas
/
Jusqu’où la mer dedans
Se retire ?
Ce lieu dans la tête
Du bruit
/
Descendre dans le corps
Jusqu’au bord
Faire de l’eau
Un corps
Agrandi
/
La mer touche ce qui vient
Se creuser
Les pas remontent jusqu’à la tête
/
L’eau déplace dans le corps
Ce qui attend la mer pour se dissoudre
/
Le passage du bruit
Au silence
Dans ce qui s’écoule
/
Mes yeux flottent
Au fond
De l’eau
A la recherche des limites
Calanques XV
Ce qui frappe dans mes pas
Les bruits
Invisibles de ma tête
/
Sur quelle ombre s’appuie
La lumière ?
La profondeur d’un pas ?
/
Le pas ne s’arrête pas
A la surface
Il s’enfonce dans la tête
/
M’en remettre à l’œil
Invisible
Du pied
A cette distance propre
/
Resserrer mes pieds
Jusqu’à ce que le pas se fasse dans ma tête
/
Un autre soleil
Dans le sol
Regarde
Mon pied qui marche
Calanques XVI
Chaque paroi pousse au large
Vient chercher
Dans mes pieds
Le poids de l’ombre
/
Dans la chute
Qu’est-ce qui de l’ombre s’envole ?
Qu’est-ce qui dans les pierres chute ?
/
L’instant se défait
Vide le bruit
L’ombre
Dans le dos
/
Le pied se vide
Incertain
De la terre
/
Pas assez de pierres pour se refaire
Une ombre
Dans ma main
C’est tout le corps
Qui tombe
/
Le corps s’affaisse
Des chutes
De terre
Jusque dans la tête
Calanques XVII
Plus de pied
Le poids
Immobile
Dans un pli de la terre
/
La terre se creuse
Sous les pieds
Qui ne marchent pas
/
Sans chemin
Le regard attend
Sur la terre ouverte
/
Tomber
Pour arrêter la chute
Des pas qui ne se suivraient pas
/
Le corps
Se plie
A l’intérieur
Une façon de s’arrêter
Sans tomber
Calanques XVIII
Qu’est-ce qui rejoint le sol
Dans le corps
Lorsqu’il s’arrête ?
/
Le pied s’est pris
Dans la tête
Le pas perdu
/
Tant qu’ils ne sont pas assez lourds
Les pas se retirent
En moi
/
Ramener la terre
Dans mes pieds
La terre
En suspend
Dedans
/
Penser un pas
De retour
Un pas qui ne dépasse pas
De soi
/
Retourner le silence
Cette tâche d’ombre
Ce qui tourne
Dans le corps
/
La tête refait le chemin
Dans le corps
Un chemin d’avant les pieds
Calanques XIX
Lentement
L’ombre retourne dans le sol
Le pied rentre dans un chemin
/
Ces pas que la terre sort de mes pieds
Tiennent
Dans ma tête
/
Ce qui touche mes pieds retient
Le paysage
De tomber
/
Seul ce chemin vide mon corps
De ses pas
Calanques XX
Je n’ai plus le corps à marcher
Des pieds
Qui se regardent plier
Le regard courbé
/
Où se perdre ?
Quand toute eau est ramenée à la mer
/
Chacun de mes pas a reculé
Le temps
L’invisible
Pied
/
Le chemin s’est vidé jusqu’à toi
Sur ces parois
Mes mains sans ombre
/
Le sol n’est que traces
Ce qui reste oublié à terre
Ce que l’ombre retient au sol
Calanques XXI
L’eau déplace les chemins
Les pas défont les chemins
Le pied suit
Ce que la tête a serré jusqu’à prendre sa forme
/
Ce que les yeux ne voient pas reste
Dans les yeux
Jusqu’à l’endroit de la chute
/
Un lieu sur la terre
Où le corps peut tomber
Un lieu où le corps devient terre
CALANQUES
Paris Eté – Hiver 2014
Calanques XXII
Comment s’arrête cette chute
Quand elle ouvre
Le sol ?
Calanques XXIII
Ce qui s’est partagé
Dans le corps
Jusqu’à ce que les pieds s’enfoncent
/
Ce que le corps a rapproché
De terre
Jusqu’à prendre sa forme
/
Ce qui a pris pied
Dans la terre
Ce qui a traversé sa propre trace
/
Prendre le temps de tomber
Un temps pour bouger
La terre
Dedans
/
Se relever à l’intérieur de sa trace
Mettre la terre debout
Le geste dedans
/
Ce que le sol traverse dans le corps
Cette masse d’ombre
/
Ce que la terre digère jusque dans la pensée
/
Ce qui se resserre dans la terre se resserre en moi
/
Tout autour
Ce qui s’élève
C’est une autre terre
Le sol ne s’est jamais qu’ouvert
–
–
Tombée du sol
Je ne me borde plus
De la terre plein la peau
/
Ce qui ne remplit plus déborde
Le paysage s’en va de mes bras
La terre lourde
/
Extraire mes organes de terre
De cette terre
Où ils étaient entrés s’incarner
Mais ils restent à l’état de terre
/
Ce qui fait se retourner le sol
Ce qui n’accroche plus les yeux
/
Ce que la terre ne remplit plus
Dans la distance
Ce qui tombe à chacun de mes pas
Sans te rejoindre
/
Les chemins ronds
Dans la tête
Tous ces chemins sans bout
/
Ce qui reste sans corps
Dans la tête
/
Des yeux
Pour ne pas voir
A chercher dedans
Ce qui attache la pensée
/
Ces distances ne tiennent pas dans le regard
Loin est silencieux
Le pied s’ouvre en touchant terre
/
Cette terre ne fait plus surface
Les traces sur le sol
Renversées
/
Une distance défigurée
Un lieu où je me défais
/
La tête se vide dans ce partage
Sur la tête
Le visage
Sur le point de tomber
/
Le corps
Ecarté dedans
S’écarte du sol
/
Ce que le sol cherche à faire trembler c’est
Un reste de ta peau
/
Ce que ta peau a tracé dans ma tête
Ce que la terre a tassé dans ma bouche
Avant de la vider
/
Ce que j’ai serré au-delà de la perte
Ce qui s’arrête au bord de la pensée
Comme vidé
/
Les mains vidées de ne pas te retrouver
Les mains dont l’épaisseur est une trouée
/
Ce que la peau a serré à s’en faire des trous
Ce qui retient ma peau dans cette trace
/
Ce qui tombe dans la tête
Ce que ma peau vient toucher
En tombant
/
Ce que la tête mettra du temps à ramasser
La peau alourdie
La peau juste avant de retomber
/
La peau
Sans mains
Sur ce qui n’a plus de trace
/
Ne pas me retourner
Ce qui s’arrête derrière la tête va s’évaporer
Une pierre qui tombe vient de s’évaporer
/
Ta bouche sans ma bouche va s’évaporer
/
Autre chose que le bruit de mes pas s’est éloigné
/
Ce que l’horizon touche dans le regard fait éclater la bouche
Rester sans visage au milieu de la tête
La peau partagée
/
Attendre que ce qui marche sur le sol ait fini de tomber
Que le sol ramasse tout ce qui tombe du corps
Ce qui s’ouvre en tombant des mains
/
Rassembler dans mes mains ce qui tient
Le sol
Avant qu’elles ne se referment
Si cette peau peut encore retenir les traces
/
Que les traces se glissent dans la pensée
Jusqu’à s’ouvrir une autre bouche
Cette bouche qui s’ouvre juste avant l’oubli
/
Enfoncer ma face dans cette trace pour reprendre visage
Que la terre porte un visage dans lequel
Reprendre
La marche