Dossier dans le n°29 de la revue N47

 

A distance des poètes de la profération ou de l’oraculaire, Myriam Eck construit une poésie condensée presque elliptique qui la rapproche de poètes comme Jean-Louis Giovannoni, Ludovic Degroote, Sylvie Fabre G. ou Henri Meschonnic.

Pour Myriam Eck le mot semble moins être un moyen qu’un mouvement : l’énoncé construit, élabore, met en place, quelque chose ou plutôt quelqu’un né de la relation au double sens du mot : le lien entre deux êtres ou objets certes ; mais aussi ce que l’on relate. Ainsi sont entremêlés intimement les rapports entre les êtres et le discours qu’instaure ce ou ces liens. Par le lien (ou son absence) et par le récit de ce lien (ou de son impossible) existe celui ou celle qui parle. Ainsi par exemple quand Myriam Eck écrit : « Je m’abîme la peau/Partout/Où je pense) l’interaction entre « Je » et ce que vit le corps (Je m’abîme la peau/Partout) de l’être parlant indique vers où se déplace l’enjeu de la langue : là où je pense. « Je » pense et dès lors « ça » travaille le corps et inversement. Ce « Je » » qui pense est l’axe qui habite le texte et permet de sonder le vide. On le voit le travail sur la langue chez Myriam Eck est toujours un déplacement vers le vide.

Car le vide n’est pas rien : « Vois comment ta tête sort de son vide/Et l’habite/De ce qui se vide ». Comme dans les Calanques qui suivent, sortis de la gangue de l’ordinaire les mots triturés, élagués, acquièrent une densité qui fait de cette écriture une écriture proche de l’aphorisme mais sans en être. On atteint dans cette émonde allant jusqu’à la nudité l’ultime des mots. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître l’écriture est lieu de l’apaisement dans le corps retrouvé. Car ce langage serré, par contraste, accentue et magnifie la relation au corps, aux corps. Ainsi la densité, le circonscrit de « Je suis la terre/qui reste/ » est exalté par le possessif qui vient : « dans tes mains ».

Ce qui apparait alors c’est bien l’écriture rigoureuse et sensuelle de Myriam Eck. Lire Myriam Eck c’est découvrir comment la rigueur et la forme presque minimaliste d’une écriture n’empêche pas mais au contraire facilite le déplacement vers l’autre, la liaison des corps dans le livre se faisant. L’écriture de Myriam Eck en interrogeant sur ce qui habite le vide retrouve ce qui donne accès au(x) sens là où se disent la peur et le désir : « ce que le corps a rapproché/de terre/jusqu’à prendre sa forme ».

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