Quand, en 2005, à Cerisy, j’ai fait lire mes poèmes à Bernard Noël qui m’a répondu : « vous êtes où ? je ne vous trouve pas dans vos poèmes », alors que j’écrivais des poèmes depuis l’école primaire, je me suis sentie démunie. Puis je me suis mise au travail, laborieusement. J’ai coupé mes poèmes, j’en ai retiré des mots, et j’ai cherché cherché cherché : « qu’est-ce qui fait poésie ? ». J’ai envoyé, pendant des années, des tentatives à Bernard Noël qui, avec bienveillance, m’a toujours répondu. Jusqu’à ce qu’un jour, fin 2008, il me réponde, « j’ai été aussitôt frappé par quelque chose de très neuf, très nouveau dans votre langue : le sentiment que cette fois vous aviez trouvé le ton, le tranchant… ». Ce n’était pas acquis, je n’avais pas encore développé en moi le « radar ». Ça a pris encore des années, à lui envoyer mes poèmes, pour savoir si « poème ou pas ». En février 2010 il me répond « aucun doute, chère Myriam, vous êtes entrée dans LE poème… ». Ça a marqué pour moi le début de mon propre jugement (je n’ai ensuite envoyé mes poèmes à Bernard Noël qu’une fois aboutis, il est resté mon premier lecteur jusqu’à sa mort).
Témoignage publié par la revue Décharge à la mort de Bernard Noël.