Note de lecture de Françoise Oriot sur Calanques

Sur le chemin les mains
Pensent

Les mains pensent la mer
Avant de la toucher

Calanques : au-delà des premières images – soleil, mer, roche – suivre Myriam Eck et se laisser entraîner par ses mots brefs qui sont des passerelles directes vers le profond de nos sensations.

Chacun de mes pas a reculé
Le temps

L’invisible
Pied

Le sol, la lumière, le vent ; le pied, le regard, la main : tout y est, en vers denses, même La chute inscrite dans les pas, ce moment / Où le sol deviendra vent.

Tout y est, et pour chacun des lecteurs – aussi différents soient-ils – car l’art poétique de Myriam Eck autorise toutes nos interprétations. Si chaque mot a son propre poids, sa proximité avec d’autres, dans ces vers serrés comme l’essence des choses, lui donne un nouvel éclat qui crée un rapport neuf, et pourtant évident, au réel :

L’eau déplace les chemins
Les pas défont les chemins
Le pied suit

Ce que la tête a serré jusqu’à prendre sa forme

Bernard Noël l’explique mieux que quiconque : « Alors, qu’est-ce qu’on voit quand on voit ? Je pense qu’on voit surtout des mots et que ces mots on les prend pour des choses. Cela a un côté désespérant mais aussi un côté exaltant parce qu’on se dit : tiens, le dehors n’est pas si différent du dedans… Donc, tout à coup, une espèce de mise au monde se fait, qui élargit celle de l’intimité[…] » Du jour au lendemain, Bernard Noël – Entretiens avec Alain Veinstein, L’Amourier éditions.

De même que Pétrarque écrit son « Ascension du mont Ventoux » comme une quête spirituelle, nous pouvons déchiffrer, dans ces « Calanques », une marche dans la vie avec ses hésitations :

Sans chemin
Le regard attend

Sur la terre ouverte

Ou son courage:

Se relever à l’intérieur de sa trace
Mettre la terre debout

Le geste dedans

Une marche… notre marche, notre vie, débarrassée du superflu, épurée jusqu’au vif.