Note de lecture de Françoise Oriot sur Mains suivi de Sonder le vide

Il est des objets qui n’existent que pour le vide qu’ils délimitent : un vase, un cénotaphe. Dans la poésie contemporaine, le vide – qu’on nomme « blancs » – mesure la cadence. Il rythme la lecture en l’absence, le plus souvent, de toute ponctuation. Mais le vide est aussi cet espace mystérieux, intérieur, mental, qui captive comme un trou noir dans lequel on craindrait de tomber.

 

Vois comment la pensée fait du vide la peur

Dans le trouble où vivre est se vider

 

Comment le vide se remplit de ton trouble

Comment la peur l’agrandit

 

Comment le trouble se déplace

Et déplace la pensée

 

Sonder le vide : le titre de Myriam Eck annonce très précisément l’objet de cette cinquantaine de pages où Les formes s’effondrent/Dans ce vide/Qui les vide. Des poèmes brefs – parfois une seule phrase : La terre ne se limite pas à ton vide –, retenant leur souffle dans les blancs, ni aphorismes ni haïkus, mais qui montrent une proximité avec ces phrases paradoxales composant le Tao tö king « Le Tao est comme un vase que l’usage ne remplit jamais. » Il faut lire ce recueil avec lenteur, se laisser détourner du cours habituel de la lecture pour flotter dans un état quasi méditatif, à la rencontre d’une poète économe de mots mais généreuse quant au voyage mental qu’elle ouvre : Tu peux retirer ton vide de ma terre//Te retirer/Sans défaillir/De la matière de mon vide, par courtes échappées, renversements de perspectives, attention aux mots simples qui traduisent un rapport immédiat au réel, corps ou espace.

Pour certains lecteurs, cette poésie paraîtra minimaliste et autocentrée, voire austère, et particulièrement éloignée de nos tragédies, mais dans un monde qui va si mal, ne faut-il pas commencer par créer en soi un lieu solide où reprendre force ? Plusieurs chemins sont possibles, Myriam Eck propose le sien : Dans le silence qui te ramène à toi/Les formes de douleur se retirent